UNE BOULANGERE DANS LE PETRIN (Histoire fantastique véridiquement retouchée)
Hélène Robert, notre boulangère bien aimée, "fournisseuse" officielle de pains pour l'hôtel des Barris, a vécu une matinée dont elle se souviendra longtemps. Récit sur une affaire de moeurs qui devra être traitée avec doigté et manipulée avec des gants.
Ce matin-là donc, à l'heure où Périgueux dort encore du sommeil du juste, une ombre passe le pont. Une belle ombre, dans le sens de la proportion, devrai-je dire, puisqu'il s'agit de votre serviteur. Il est alors 22h45 heure de New York, 16h45 heure de Tokyo, soit environ 6h43 heure de Périgueux lorsque cette terrible histoire va commencée.
Il est 6h45, Périgueux dort encore...
Donc, sous une pluie fine toute périgourdine de cet hiver finissant, j'entre dans la boulangerie. Je salue Hélène, laquelle se remet de facto au travail. Il est l'heure de sortir la fournée et la montre n'attend pas. D'une main de maître, tout en "suavitude" et avec des gestes de chirurgien, dans un ballet parfaitement rôdé, la fournée odorante sort du four pour atterir avec virilité dans la panière prévue pour recueillir les fruits du labeur de la boulangère (vous noterez le côté Balzac de la description...)
Hélène vaque, stoïque, au marbre...
Bref, Hélène va, vient, virevolte entre le four, le porte-plaques et le marbre. Chaque geste est arabesque, chaque ondulation de son corps est une vibration professionnelle. Subjugué par cette parfaite maîtrise du geste, j'admire ce "lac des signes", poésie boulangeresque enfarinée, nymphée de lumière néonnienne... (Là, cette partie du texte, c'est carrément le Goncourt...)
O temps, suspend ton vol. Hélène s'arrête. Une petite goutte de sueur perle à son saint front qu'elle écarte alors d'un revers de gant, tel le mécanicien qui vient de finir le changement d'un culbuteur grippé coinçant la soupape externe gauche en déliaison avec le vilbrequin et le cubitus droit de l'inverseur de vitesse...
Hélène, comme à son habitude, dépose alors les gants sur le porte-plaques.
Et dans quelques secondes, le drame...
Au moment où elle se retourne, le gant gauche se redresse...
L'odieux gant gauche à droite sur la photo
Sournoisement, il se retourne pour se jeter en avant. Et là, l'horrible chose vient alors frapper l'auguste postérieur de ma boulangère, sous ses yeux exhorbités par la surprise, sous mes yeux exhorbités par un tel acte de sans-gène.
Les photos "bouleversifiantes" de l'attentat
Mon sang n'a fait qu'un tour. Je me jette en avant, escaladant, superbe de puissance, le comptoir de la caisse et atterissant, tel un chat croisé avec un éléphant, sur mes deux pieds, à deux pas de l'inconvenant. Une sorte de fureur allemande me saisi à bras-le-corps. Ma main se transforme en crochet de fer avec lequel je me jette sur l'outrecuidant gant.
Je le lacère et le lapide tant et si bien que le gant demande "pouce" et grâce. Tel le gladiateur attendant la sentence de César, le pied posé sur le ventre du gant, je me tourne vers l'offensée. Et Hélène, drapée dans son pardon, accorde sa clémence au gant, lequel, pour sa condamnation, ne servira désormais plus qu'à récurer les toilettes de l'arrière-boutique.
Triste histoire et triste exil par ce gant belge (car né à Gand). Mais l'honneur de la boulangère était désormais sauf. Et c'était bien là l'essentiel de cette histoire chevaleresque.
Une main de fer dans un gant de velours... à moins que ce ne soit le contraire...
Cette histoire est maintenant terminée. Vous pouvez reprendre le cours normal de votre existence. Mais rappelez-vous que derrière l'apparente banalité des choses se cache parfois le côté obscur des objets. Ils vous voient, ils vous regardent, ils vous épient... Quant à Hélène et moi-même, nos analyses d'urine n'ont révélées la présence d'aucune substance hallucinogène ou autre stéroïde anabolysant au moment des faits...